Et tu t'en vas comme tu es venu, sans dire un mot.
Je ne suis pas courageuse. Je t’ai regardé t’éloigner, et je n’ai rien fait. Si seulement j’avais crié, hurlé ton nom, si je t’avais tout dit, est-ce que ça aurait changé quelque chose ? Je ne le saurais jamais puisque je n’ai rien fait. Je t’ai vu au ralenti, tourner les talons et t’enfuir doucement me laissant seule avec mon sourire. Tu n’étais pas la première personne à jouer ce jeu là et j’ai préféré te voir danser une chorégraphie que j’avais moi-même inventée. Maintenant me voilà seule à articuler des mots que personne ne comprend, comme une bombe à retardement. Tu aurais pu rester mais plus rien ne te retenait, surtout pas moi. Désormais tu me manques, et je me sens une fois de plus, comme tu as du te sentir avant moi, rejetée et tellement seule. Tu m’as laissée avec mon pire ennemi, dans l’enfer des gens qui ne s’aiment pas.
Non. Je ne manque nulle part, je ne laisse pas de vide. Les métros sont bondés, les restaurants combles, les têtes bourrées à craquer de petits soucis. J'ai glissé hors du monde et il est resté plein. Comme un oeuf. Il faut croire que je n'étais pas indispensable. J'aurais voulu être indispensable. A quelque chose ou à quelqu'un. A propos, je t'aimais. Je te le dis à présent parce que ça n'a plus d'importance.
Jean-Paul Sartre.